C’est important de réagir dès les premiers cris, quand les coups commencent, c’est parfois déjà trop tard.
Il y a quelques nuits, une grosse engueulade de mes (jeunes) voisins d’au-dessus m’a réveillée vers 1h du matin. Mon esprit de féministe aguerrie s’alerte : je sors sur le pallier. Là j’entends la jeune femme hurler de larmes « non, non, non, arrête de mentir ». Ses cris durent ; il essaie de la calmer en lui disant qu’elle raconte n’importe quoi (oui, on la connait l’histoire du discrédit de la parole des femmes). Je prie pour qu’elle s’en aille. Elle reste, et la scène continue.
Réveillée pour réveillée, je me dis que je vais proposer à la jeune femme de venir dormir sur mon canapé pour se reposer, a minima on pourra se rendormir, a maxima elle se sauvera. Bref, je monte, l’homme m’ouvre, je fais ma proposition ; je les connais déjà un peu, ce qui facilite le dialogue. Lui s’excuse du bruit ; j’insiste pour dire que ce genre de situation arrive, que ce n’est pas grave et que tout le monde a besoin de dormir. Elle accepte de me suivre.
NB : Si vous êtes un homme seul, alliez-vous de votre femme, de votre fille (ado minimum) ou de votre voisine avant de faire cette proposition ; seul, vous risquez surtout d’ajouter de la peur.
Arrivée dans mon salon, je lui offre à boire, je dégage le canapé pour lui laisser toute la place avec les plaids. Elle s’assied, s’installe avec un plaid. Je lui tends la main pour qu’elle puisse l’attraper et décharger ses émotions en connexion sincère (j’ai déjà fait ça plusieurs fois, ça marche bien en sororité dans les situations de surcharge émotionnelle). Je lui demande son âge (20 ans, lui a 30 ans). Et je lui explique que je ne veux pas m’introduire dans sa vie, mais que voilà ce que j’ai compris du mode de fonctionnement du voisin.
Voici les mécanismes d’oppression utilisés par le voisin :
- Il a d’abord réalisé une première période de « love-bombing » ou « lune de miel » : pendant cette période, c’est le moment des grandes déclarations d’amour. Le mécanisme d’oppression place alors un référentiel d’ « amour » qui va ensuite permettre de désorienter la victime.
- Il a ensuite commencé à jouer le chaud (des références à la période lune de miel) et le froid (des reproches), d’abord à petite dose, puis à doses plus importantes :
- il lui a fait des reproches : à ne pas nettoyer chez lui » parce qu’elle travaille à temps partiel » (alors qu’elle a son propre appartement), à prendre des douches trop longues (alors qu’il envoie de l’argent à son ex-petite-amie (avec qui il n’a en fait jamais rompu))…
- il a commencé à fouiller dans son smartphone, alors qu’elle n’a pas son code de déverrouillage à lui…
- Il a commencé à la discréditer : il m’a expliqué qu’elle pleurait « parce qu’elle avait eu une enfance difficile », or c’est faux.
Résultat, elle a l’impression qu’elle ne fait pas « assez d’efforts ». Ils sont ensemble depuis 7 mois.
Je lui ai donc expliqué le fonctionnement des pervers-narcissiques (exactement ce qu’elle décrit), et du fait qu’ils profitent aussi de la différence d’âge. Je lui explique que ses hurlements et ses crises de larmes sont normaux et légitimes, que ce sont des alertes dont elle doit tenir compte, que sa santé mentale est plus importante que cette relation, qu’elle est jeune et qu’elle ne doit pas gaspiller son temps avec cet homme, car cette alternance de chaud et de froid peut amener aux suicides des femmes ou aux féminicides. Je lui ai clairement dit qu’elle devait le quitter. Elle me raconte que sa mère, aujourd’hui seule, a eu plusieurs petits-amis pervers-narcissiques (dont son père), et l’a aussi prévenue. C’était donc bien utile qu’une étrangère confirme l’analyse.
Elle a pu s’endormir en sécurité sur mon canapé. Le lendemain matin, nous avons continué à discuter, et nous avons parlé de son avenir et de reprise d’étude. Je lui ai aussi raconté que j’avais aussi vécu une nuit semblable, et que je voyais très bien de quoi il en retournait.
Mon intervention lui aura, je l’espère, permis de retrouver les idées claires, et de reprendre sa vie en main.
J’aimerais que vous diffusiez ce message, et que nous nous prenions toutes et tous par la main pour intervenir la prochaine fois que nous rencontrons une situation similaire. Je rappelle encore : c’est important de réagir dès les premiers cris, quand les coups commencent c’est parfois déjà trop tard.
Vous pouvez télécharger le violentomètre pour l’imprimer sur le site web du Centre Hubertine Auclert
Sur Mastodon, Seconde Zone me dit: « Ce violentomètre n’est pas adéquat. Je l’ai refait en version non dangereuse et non malsaine : https://secondezone.fr/2022/09/24/violentometre-pas-de-zone-orange/ «
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[…] vous pouvez montrer à la victime que vous êtes là pour la soutenir (cf. mon article Quand vous entendez une voisine hurler) et collectez un maximum de preuves […]
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